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La belle saison
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9 mai 2009

L'infini à la portée des paons ou une citation comme une balle dans le pied

Ténébreux, médiatique, mais non moins philosophe, il interroge son monde ; ses quatre consonnes et trois voyelles épinglent non sans une certaine justesse la blogosphère et ne peuvent nous laisser indifférents.

machine____crire

"ll n'y a rien de surprenant à l'explosion de la blogosphère qui réconcilie narcissisme et citoyenneté, journal intime et engagement dans la cité. Quand le blogueur compile ses petites aventures, agrège ses perceptions et enfile, comme autant de perles, les expériences qui sont les siennes, il le fait en plus avec le sentiment d'être utile à tous. Son visage lui sert d'interface, sa petite histoire lui paraît un roman, les cailloux qu'il sème sut la Toile lui semblent des diamants. Telle une bouteille qu'on jette à la mer, au milieu des surfeurs, le blog est un rot, le patronyme d'un rot, une supplique reconnue d'utilité publique, la prière éperdue d'un être (vous et moi) qui faute d'être qui que ce soit, mendie tous les jours l'onction des inconnus : "Regardez-moi, dit-il à mots couverts, écoutez-moi, répondez-moi, participez-moi, car sans vous je ne serais pas moi..." La publicité de l'intime dissimule, sous l'alibi de la transparence, le sentiment du vide et le désir de reconnaissance : qu'est-ce qu'un "blog" sinon l'invasion du monde par le "moi", un nanocommunotarisme qui valorise, comme telles, les expériences de tout un chacun, la tentative impérialiste, en somme, de rendre important ce qui n'importe qu'à soi? Comme les décorations qu'un ancien combattant accroche au revers de sa veste dés qu'il met le nez dehors, le "blog" est une sorte de préservatif, une bulle malléable qui nous accompagne à l'étranger, et qui permet, dans un monde hostile, de rencontrer l'autre sans sortir de soi ni bouger de son site. Quand on "monte" un blog, on se déshabille, on se raconte, on se peint sur la Toile...mais, à la différence du romancier (qui prend le risque de raconter une autre histoire que la sienne), le bloguer ne s'expose jamais. Internet est un théâtre dont chaque figurant peut enfin, dans redouter le ridicule, se donner le rôle principal. Sur internet, le nombril est nombeux. Internet, le média de l'amour-propre, met l'infini à la portée de paons. Le blog? Un aveu. Le blog? Parce que je ne vaux rien."

Raphaël Enthoven, "Narcissisme", in L'endroit du décor, Gallimard 2009    

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Commentaires
V
Constat si juste qu'il fait office d'argument autoritaire.<br /> Mais il existe un mais...
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